black bird ses adieux, l'autre soir, comme des coups de couteau.
il s'en faut de si peu pour dévoiler chez certains des profondeurs terribles ; neuf cercles de l'enfer contenus dans ta tête, et six pieds sour terre ses derniers mots, comme une blessure favorite -
tu m'ennuies. le verbe-lumière, créateur, assassin : les déchirures du coeur sont peut-être les pires, mais celles de l'orgueil ne cicatrisent jamais.
tu m'ennuies à en crever. deux phrases qui pour toi ont fait guise d'epitathe, en lieu de la sepulture que tu ne visiterais jamais - que tu te répètes aux premières lueurs de l'aurore, une litanie suppliante ; une pénitence, non pas de toi aux cieux mais de toi à elle. tu n'as jamais trouvé la foi qu'entre ses bras - tu sais bien aujourd'hui que les dieux ne sont pas cléments. pourtant c'est elle que tu pries ; son pardon que tu implores sur les marches de l'autel, son corps sans vie suspendu à la croix dès que tu te risques à lever les yeux - sa voix dans tous les chants, un épouvantable contre-alto.
elle est morte. elle ne reviendra pas.
& pourtant, cette femme- ses déchaînements cruels et oh, si intimement familiers, son discours un écho de tes secrets les plus chers ; sa rhétorique infernale. tu voudrais la sortir de ta tête mais tes pensées semblent y revenir systématiquement, dès que tu baisses ta garde - pénétrer jusqu'à ton âme par tous les pores de ta peau, cette impossible hésitation : on ne répète jamais assez que le doute, c'est le diable. cette femme, l'autre soir, t'avait laissé tremblant et stupéfait, comme pétrifié d'horreur face à des conjonctures inadmissibles et informulables - cette femme, que tu avais laissé s'en aller sans esquisser le moindre geste, écoutant le son de ses talons qui claquaient sur la pierre s'éloigner, puis finalement s'éteindre tout à fait.
elle est morte. elle ne reviendra pas.
tu l'as tuée.enchevêtrée dans vos draps de coton, comme un linceul - rouge, ta fureur, ta jalousie féroce. ses grands yeux ouverts ont fixé un point loin au-dessus de ta tête et ne l'ont plus quitté. il paraît qu'aimer c'est regarder ensemble dans la même direction ; qu'en est-il, alors, de ceux qui ne voient plus ? tu l'avais laissée là, inerte et déjà froide - protégée des éléments quelques heures tout au plus, de la curiosité morbide de vos voisins un jour ou deux ; tu l'avais laissée, oui, pour morte - & avec elle, tout le reste.
il est midi. le soleil à son zénith joue de ses rayons à travers les vitraux ; des prismes de couleur, sur tes joues. c'est un jour d'office - tu es seul sur l'estrade, surplombant de très haut la masse vivante et mobile ; un tableau archangélique, vestiges de la renaissance. déjà, les fidèles se lèvent, se dispersent - s'approchent pour donner l'aumône. tu poses soigneusement ton cahier de doléances - enfin, lèves le front.
à l'autre extrémité du grand hall, une silhouette vêtue de blanc, chaste et candide - son visage séraphique pâli par les années, sa chevelure éparse sur les épaules, un drapé oriental ; et à ses lèvres, un sourire régicide. une chimère de chair et d'os, ton illusion concrète.
vient l'impact - tu te plies en deux comme sous l'effet d'un choc, tes yeux écarquillés qui ne veulent plus ciller plongés dans les siens, enfin - tu chancèles, et il s'en faut de peu pour que tu ne t'effondres tout à fait. tu l'as
tuée. à ta croix, exorciste - que t'a-t-elle dit, l'autre soir ?
je crois qu'il est hanté.son nom s'étrangle dans ta gorge, vient mourir sur ta langue ; trois syllabes, impératrices.
katrina.