« Je te veux. » Il comprend, n’est-ce pas, il sait - que tu es déjà à lui.
Jamais, tu n’avais ressenti ces émotions-là, neuves, douces, amères - au grès du bon vouloir de sa bouche, de son souffle, de ses doigts ; docile, tu ingères chaque ressenti et un à un les marques au fer de ta mémoire. Pour tous les autres dont tu as souffert, pour tous les autres que tu n’as pas apprécié mais enduré - un à un, baiser après baiser, ils les remplacent, ils les évincent.
L’apogée même de ta honte -
G. - sous la mollesse tendre de ses lèvres - deviendra un souvenir plus chaud, plus beau.
« Jude… » - tu épèles, le visage à moitié relevé pour discerner le sien dans les ombres.
« J’aimerais… » - mais tu ne termines pas ton souhait, tu l’exécutes.
L’angle s’inverse - tu enroules ses jambes autour de ton bassin, t’inclines à l’orée de son cou - le tintement de son pouls, de ses veines - sous ton poids il se couche. Et tes mains qui frappent, tes mains qui brisent, tes mains qui tuent - plus aimantes et plus souples qu’elles ne l’ont jamais été, plus audacieuses aussi, bravent la pudeur. Glissées sous son pantalon elles cherchent leur offrande - là, tiède et endormie - elles pressent, elles découvrent, elles massent.
Pas à un seul instant, tes yeux quittent le miroir les reflétant - trop avides d’y lire
ses ressentis,
ses émotions ; et plus les secondes passent, plus tes paumes oscillent entre langueur et frénésie.
Tu déposes un soupire à la mort d’un des siens ; c’est une valse qui s’ensuit, emportée par ta propre avidité ; une danse sinueuse de ta langue enchevêtrée à la sienne ; la fièvre de n’en avoir jamais assez.
C’est cette fièvre qui, parce que tu n’oses imaginer jusqu’où elle t’emporterait - t’arrête. Là, la poitrine déformée par des soulèvements erratiques. Là, à seulement un battement de ses cils. -
« Je suis désolé. » - tes mains qui abandonnent l’antre de ses cuisses pour se loger, coupables vaincues, entre le sable et son dos.
« Je ne peux pas plus. » - l’abandon, tout autre, de ta tête dans l’ombre de sa nuque -
« Pour l’instant. »La vérité ? - tu as peur - peur de ne soudain plus prendre de plaisir, peur de te rappeler d’autres touchers, les mauvais, peur de le décevoir - mais surtout, tu as peur de l’ampleur que prend ta dépendance à lui ; outre ton souhait acharné à en faire ton bourreau, mourir te paraît un peu moins attrayant, si c’est pour souffrir du manque en Enfer.